PLU bioclimatique de Paris
Premiers décryptages avant concertation et le permis de construire à points
A l’occasion d’une rencontre au Pavillon de l’Arsenal le 24 juin 2022, Emmanuel Grégoire, 1er adjoint d’Anne Hidalgo, a effectué un point d’étape circonstancié sur l’élaboration du futur PLU bioclimatique de la ville de Paris, aidé dans cet exercice par Stéphane Leclerc, directeur de l’urbanisme de la Ville, et Michèle Raunet, notaire associé chez Cheuvreux. Si l’ambition est louable au regard des enjeux climatiques, le chemin pour y parvenir reste semé d’embûches
Si la démarche a été engagée par Emmanuel Grégoire dès le début du deuxième mandat d’Anne Hidalgo, dans le but de la boucler fin 2024, elle se révèle, semble-t-il, encore plus complexe à mener que prévu initialement. Certes, les évolutions techniques, voire juridiques, nécessitent de travailler chaque détail pour s’assurer d’éviter les points bloquants, mais les incertitudes politiques pourraient aussi mettre des bâtons dans les roues de la majorité municipale.
« Entre les hypers environnementalistes qui ne veulent plus construire du tout à Paris et ceux qui veulent créer du logement en libérant les capacités de densification et de surélévation, il se joue une bataille d’équilibre », a reconnu le 1er adjoint de la maire de Paris le 24 juin, lors d’une conférence au Pavillon de l’Arsenal sur l’avancée de l’élaboration du plan local d’urbanisme (PLU) bioclimatique. « Nous sommes dans un moment de cristallisation où il faut mettre en harmonie les divers objectifs et où chacun doit faire des efforts pour les rendre possibles. Et si tel n’est pas le cas, il n’y aura pas de PLU bioclimatique et le PLU actuel fonctionnera encore quelques années », a prévenu Emmanuel Grégoire, qui reste malgré tout « serein et ambitieux ».
« Nous passons à un PLU de dentelle »
Mais pour l’heure, il s’agit surtout de faire de la pédagogie auprès de l’ensemble des parties prenantes de manière à préparer dès à présent la phase de concertation de l’avant-projet du règlement qui sera lancée le 5 septembre pour une durée de deux mois.
Tout le défi consiste à faire adhérer les professionnels aux nouvelles règles édictées pour relever les énormes enjeux (démographique, mixités sociale et fonctionnelle, climatique) auxquels la Capitale doit faire face pour lui assurer un avenir en mesure de supporter les dérèglements climatiques.
Le PLU de 2006 était un PLU de production et d’aménagement de grands espaces fonciers, et nous passons à un PLU de dentelle, a imagé Emmanuel Grégoire, et de transformation, pas de destruction, mais aussi de rénovation thermique et d’ambition sur la protection patrimoniale.
Un enjeu de taille alors que 90 % du bâti parisien serait à rénover. Aussi, « ce futur PLU ne doit pas être bloquant, mais facilitant et d’accélération », a enjoint l’élu qui espère en outre que ces futures règles limitent la spéculation immobilière. « Car, a-t-il expliqué, des ventes s’opèrent à des tarifs vertigineux sans clauses suspensives, basées sur les purs fantasmes des pétitionnaires. Nous souhaitons donc clarifier les règles pour mettre un peu de rationalité dans le projet de transformation d’un bâtiment. Le PLU actuel n’offre pas de sécurité suffisante sur ce qui est possible de faire ou pas ».
« Raisonner de la parcelle à une échelle plus large »
Pour mettre en cohérence ses objectifs, la Ville entent non seulement revisiter les règles de l’urbanisme (lire ci-dessous), mais aussi imaginer d’autres façons de faire. C’est là qu’intervient le fameux mécanisme « d’externalités positives » et de surperformance. « Le bâti dans un espace urbain très dense est tellement contraignant, qu’il nécessite de raisonner de la parcelle à une échelle plus large, celle de l’îlot, voire du quartier », a expliqué Emmanuel Grégoire, « et ainsi de pouvoir travailler sur un mécanisme de compensation au-delà de la parcelle et y compris dans la relation avec l’espace public ».
La conception de ce mécanisme a été confiée au groupe juridique de la ville de Paris (lire ci-dessous). « Le code de l’urbanisme actuel est basé sur ce qu’on peut faire à la parcelle, c’est-à-dire à la propriété, mais il n’est pas ouvert sur le reste », a rappelé Michèle Raunet, notaire associé chez Cheuvreux et membre du groupe juridique. Pour valoriser les projets (nouvelles constructions ou revalorisations lourdes) qui seront bénéfiques au voisinage, au quartier, à la ville, il a donc fallu construire un dispositif inédit qui « sera opposable aux permis de construire (PC) ». Ce mécanisme, pour l’instant à droit constant (des évolutions législatives seront probablement nécessaires), prévoira des seuils à respecter sur neuf thématiques : pleine terre, végétalisation du bâti, abattement des eaux pluviales, mixité sociale et fonctionnelle, animation locale, performance énergétique, énergies naturelles et renouvelables, émission de gaz à effet de serre (GES) et stockage du carbone.
Etre surperformant pour décrocher un permis de construire
Mais pour décrocher son PC, il faudra aussi surperformer sur au moins trois de ces neufs critères. « En fonction des caractéristiques du projet et de la parcelle, ainsi que de sa situation, les projets devront aller au-delà des valeurs minimales exigées sur trois critères, en respectant un peu plus la règle prévue », a détaillé maître Michèle Raunet. « Nous avons limité à trois le nombre de critères de surperformance pour donner beaucoup d’agilité à ces outils », a voulu se montrer rassurant Emmanuel Grégoire.
Enfin, à coté de ce mécanisme à droit constant, sera mis en place l’urbascore, « qui ne sera pas opposable au PC », a prévenu Michèle Raunet, mais « qui complètera le dispositif pour permettre de valoriser les projets », notamment auprès des riverains, des associations, des mairies d’arrondissement. Cette dernière y voit deux intérêts majeurs. Le premier est de garantir la meilleure acceptabilité des nouvelles opérations « en mettant en avant le fait qu’elles profitent à chacun », a argué la notaire qui vante aussi un « mécanisme de transparence et de fiabilité ». En effet, les objectifs en termes de surperformance étant inscrits dans le PLU, « la règle sera claire et la même pour tous, et elle aura de plus été soumise à concertation et enquête publique », a-t-elle ajouté, « ce qui est très innovant et ambitieux, car cela va au-delà d’une charte ou d’un pacte, mais c’est aussi extrêmement challengeant pour la Ville qui devra la respecter tous les jours, pour tout le monde et de la même manière », a prévenu Michèle Raunet. Les écueils ne font que commencer.
Un groupe juridique dédié à l’élaboration du PLU bioclimatique
Créé en 2021, le groupe juridique de la ville de Paris compte une pluralité de professionnels d’univers très différents : les services de la mairie (urbanisme et services des affaires juridiques, et en fonction des sujets traités d’autres services), l’équipe d’AMO désignée par la municipalité pour l’élaboration du PLU bioclimatique (Algoé – mandataire – Une Fabrique de la ville, Anyoji Beltrando, Urban-eco scop et Fidal – avocats -, un conseiller d’Etat, un notaire, en l’occurrence Michèle Raunet qui qualifie l’instance de « lieu de débats très intenses »). Ce groupe juridique a plusieurs missions : réadapter le PLU, soit toutes les évolutions juridiques et réglementaires nécessaires ; répondre à toutes les commandes politiques et nouveaux enjeux à mettre en œuvre ; relire l’ensemble de la production de la ville.
Revisiter la façon de faire la ville pour l’adapter au changement climatique
Le PLU bioclimatique dont espère se doter la ville de Paris mettra l’accent notamment sur le logement social, la mairie souhaitant atteindre un taux de 30 %, la loi SRU fixant ce seuil à 25 % en 2025. Pour ce faire, la production va être renforcée sur les zones en déficit notamment le centre et l’ouest de Paris. « Nous allons identifier des zones d’hyper déficit pour mettre encore davantage l’accent sur ces secteurs », a expliqué Stéphane Leclerc, directeur de l’urbanisme de la Ville. Il est également prévu de renforcer la servitude imposant un taux de social à partir d’un certain nombre de mètres carrés construits. Pour développer l’offre en logements abordables, le bail réel solidaire (BRS) sera intégré à cette servitude de mixité sociale prévue dans le PLU et des emplacements seront réservés.
Face au déséquilibre fonctionnel entre les secteurs, le futur PLU prévoira de diminuer les surfaces de bureaux dans les programmes d’opérations en cours et de favoriser la production de logements et les activités hors tertiaires. La règle de « protection de l’habitation » sera reconduite et le potentiel d’extension de 10 % des surfaces d’activités économiques possible actuellement sera supprimé. Une règle spécifique dite de « servitude de mixité fonctionnelle » est à l’étude.
Introduction de la notion de « séquence urbaine »
En matière de réduction de l’empreinte carbone des bâtiments résidentiels, la ville de Paris compte s’appuyer sur les leviers de la RE 2020 pour édicter les nouvelles règles de son PLU concernant les constructions neuves et les extensions à partir de 150 m2, « en recherchant des exigences plus fortes » en matière de sobriété, de réduction des consommations énergétiques, d’intégration d’énergie décarbonée dans le mix énergétique… « Le raccordement au réseau de chaleur de la Ville sera imposé », annonce Stéphane Leclerc. La réversibilité et la réutilisation de l’existant seront privilégiées, il faudra « faire en sorte que le bâti ait plusieurs vies », poursuit le directeur de l’urbanisme.
Une nouvelle règle prévoira que la hauteur du bâti devra être proportionnelle à la largeur de la voie : « il sera possible de monter plus haut là où la voie large et moins haut quand elle est étroite », résume Stéphane Leclerc, « nous allons introduire la notion de séquence urbaine » pour obliger les porteurs de projet à regarder au-delà de leur parcelle et de part et d’autre de leur bâtiment, pour tenir compte de la diversité de paysages et éviter la banalisation ».
Le cœur d’îlot comme « créateur de ressources »
Pour inciter à transformer les immeubles existants, une « prime à la construction de logements » sera introduite en dérogeant aux règles qui encadrent les hauteurs du bâti en permettant un étage supplémentaire pour les surélévations à usage d’habitation. Concernant les toitures, l’usage des terrasses devra être systématique dans les nouvelles constructions, et dans l’existant, il faudra « voir comment récupérer des espaces ». Le recours à la végétalisation des toitures devra être systématisé, et le développement de toitures biosolaires, d’agriculture ou d’espaces sportifs incité.
Le chapitre sur la nature en ville vise à renforcer un certain nombre de règles déjà en vigueur et en particulier de traiter le cœur d’îlot comme « créateur de ressources ». « Nous portons une ambition très forte de végétalisation des cœurs d’îlots », a prévenu Stéphane Leclerc. Pour réduire le potentiel constructible sur une parcelle, la bande « Z » (15 m d’épaisseur à partir de l’alignement) limitant la part libre de bâti sera supprimée. Les bâtiments resteront en alignement de rue pour « libérer le cœur d’îlot et en faire des espaces naturels ». Les espaces verts existants et les arbres seront davantage protégés, tandis que des corridors de biodiversité seront repérés en reliant des espaces naturels pour que la faune puisse traverser Paris.
Enfin, un volet concerne la protection des commerces de proximité avec l’interdiction pure et simple des dark store et dark kitchen, tandis que les librairies et les salles de cinémas disposeront d’un traitement particulier pour les maintenir dans Paris. Idem pour les activités productives. Des emplacements dédiés à la logistique urbaine seront aussi réservés dans chaque arrondissement de manière à « renforcer l’armature logistique de Paris ».
Source : le journal du Grand Paris / image :lagestionenligne.fr